Très curieusement de nos jours, pour le grand public, la chaux est apparentée au monde de la sidérurgie, de la chimie ou de l'agronomie alors que jusqu'à la dernière guerre mondiale, elle était le principal liant de la construction. Quelques souvenirs lointains la confinent dans une architecture ancienne plutôt rurale, offrant quelques attraits rustiques. Pourtant sans elle, la tour de Pise ou les cathédrales ne seraient encore sur pied aujourd'hui.
Que ce soit de la prestigieuse demeure à la modeste bâtisse, elle a depuis toujours été utilisée comme matériau de base par les artisans et les maçons. Incorporée au mortier, elle a servi à façonner nos maisons. Utilisée à l'état pur, elle a été employée comme enduit, peinture, lait et badigeon. La révolution industrielle provoqua sa perte en faveur de ses héritiers, le ciment et la chaux artificielle. Aujourd'hui pourtant, grâce à un travail de sensibilisation, elle se voit progressivement réhabilitée.
Si nos lointains ancêtres ignoraient tout de l'approche purement scientifique de la chaux, ils en avaient pourtant saisi toutes ses vertus. Déjà aux alentours du IVe siècle avant J.C., les Grecs avaient découvert que certaines terres d'origine volcanique mélangées à la chaux éteinte formaient un mortier pouvant durcir même dans des conditions de forte humidité et résister à l'eau.
Les romains allèrent lui donner ces lettres de noblesse en permettant à la chaux de devenir un liant dont la qualité et la résistance seront déterminantes pour l'évolution de l'architecture. La maîtrise des phénomènes hydrauliques et de carbonatation à travers l'emploi et le mélange de pouzzolane1 et de briques pilées2 furent à la base de la création du légendaire "béton romain".
Les siècles qui vont suivre, continueront à propager l'usage de la chaux dans le bâti et la décoration. Les écrits d'auteurs tels que Cenino Cennini, peintre à la cour de Padoue au XVe siècle permettent de suivre l'évolution de son utilisation et ses progrès techniques. La qualité des mortiers s'améliore, les propriétés de la chaux sont de mieux en mieux connues et les méthodes de fabrication se modernisent. Au XIXe siècle, l'approche empirique et traditionnelle du matériau est détrônée par l'analyse scientifique ce qui débouche, en 1824 à Portland, sur l'apparition du ciment.
Premier d'une longue série, le ciment Portland va se développer dans le secteur de la construction et progressivement remplacer la chaux. Répondant à la nécessité de produire en grandes quantités et dans les plus courts délais, nouveaux critères de l'architecture du XXe siècle, le ciment ira en moins de 50 ans jusqu'à faire tomber la chaux dans l'oubli.
Mais qu'est-ce que la chaux?
Source : Arte constructo, Donatienne de Séjournet.